PRIX DU MOULIN DES LETTRES 2020

Voici la sélection des titres, tous parus en 2019. Le jury s'est réuni le 10 juin dernier; après une soirée passionnante de discussions et d'argumentation, il a fini par choisir le roman de l'allemande Alina Bronsky qui succède ainsi à celui d' Alaa El Aswany, "J'ai couru vers le Nil".
Les deux romans qui ont été choisis ensuite et sont arrivés ex aequo sont "San Perdido" (qui vient de sortir en poche) et "La maison allemande" qui ont remporté également un grand succès. J'ai chroniqué certains titres, vous pourrez lire ces chroniques sur le site.
Bonne découverte et belles lectures!

Lors d’un exposé en cours d’histoire sur les premiers autodafés nazis, Livio, 17 ans, retrace l’incroyable parcours de Magnus Hirschfeld, ce médecin juif-allemand qui lutta pour l’égalité hommes-femmes et les droits des homosexuels dès le début du XXe siècle. Homosexuel, c’est précisément le mot que n’arrive pas à prononcer Livio : ni devant son amie Camille, dont il voit bien qu’elle est amoureuse de lui, ni devant ses parents. Magnus Hirschfeld pourrait-il parler pour lui ? Sous le regard interdit des élèves de sa classe, Livio accomplit alors ce qui ressemble à un coming out.
Deux histoires se mêlent et se répondent pour raconter ce qu’est le courage, celui d’un jeune homme prêt à se livrer, quitte à prendre feu, et celui d’un médecin qui résiste jusqu’à ce que sa bibliothèque de recherche soit brûlée vive. À un siècle de distance, est-il possible que Magnus Hirschfeld et Livio se heurtent à la même condamnation ?


«Sa mère et sa sœur savent que Loup dort en prison, même si le mot juste c’est maison d’arrêt mais qu’est-ce que ça peut faire les mots justes quand il y a des barreaux aux fenêtres, une porte en métal avec œilleton et toutes ces choses qui ne se trouvent qu’entre les murs.
Elles imaginent ce que c’est que de dormir en taule à dix-sept ans mais personne, vraiment, ne peut imaginer les soirs dans ces endroits-là.» Comme dans le poème de Verlaine auquel le titre fait référence, ce roman griffé de tant d’éclats de noirceur nous transporte pourtant par la grâce de l’écriture de Nathacha Appanah vers une lumière tombée d’un ciel si bleu, si calme, vers cette éternelle douceur qui lie une famille au-delà des drames.


Il était temps de devenir propriétaires. Soucieux de notre empreinte environnementale, nous voulions une construction peu énergivore, bâtie en matériaux durables. Aux confins de la ville se tramaient des écoquartiers. Notre choix s'est porté sur une petite commune en plein essor. Nous étions sûrs de réaliser un bon investissement.
Plusieurs mois avant de déménager, nous avons mesuré nos meubles, découpé des bouts de papier pour les représenter à l'échelle. Sur la table de la cuisine, nous déroulions les plans des architectes, et nous jouions à déplacer la bibliothèque, le canapé, à la recherche des emplacements les plus astucieux. Nous étions impatients de vivre enfin chez nous.
Et peut-être aurions-nous réalisé notre rêve si, une semaine après notre installation, les Lecoq n'avaient emménagé de l'autre côté du mur.


Écrivain de la Shoah et de l’exil, Edgar Hilsenrath livre avec Terminus Berlin son roman le plus poignant, celui du retour désenchanté en Allemagne. Son héros retrouve, comme lui, le pays natal près de trente ans après avoir quitté l’Europe et ses fantômes. Le temps est venu de faire le bilan d’une vie tourmentée.

Fidèle à son humour, Hilsenrath raconte avec un sens aigu de la dérision le destin de son alter ego littéraire. Lesche, traumatisé par son expérience du ghetto, peine à trouver sa place dans un Berlin marqué par le consumérisme et la chute du Mur. Les rencontres improbables et la résurgence glauque du fascisme forment la trame de ce roman publié en Allemagne en 2006.

Lapidaire et ironique, ce texte émeut par la figure de clown triste que l'auteur y révèle. Après l’avoir écrit, Edgar Hilsenrath décida que son œuvre était close. Il n’a plus rien publié depuis.

« Quand on écrit quelque chose pour se débarrasser l’âme, on en est définitivement libéré. L’écriture est une libération pour moi. » (Edgar Hilsenrath)


Elle, Li Jiaqi, et lui, Cheng Gong, la trentaine un peu cabossée, se retrouvent après des années sans nouvelles. Ces deux-là étaient pourtant inséparables, quand ils jouaient à chasser les mystères du côté de la Tour des morts, sur le campus de la Faculté de médecine. Elle est la fille d’un poète professeur de littérature et d’une paysanne anesthésiée par la vie urbaine. Il est le fils d’une femme évanescente et d’un raté peu sympathique, élevé par une grand-mère tyrannique. Li Jiaqi rentre de Pékin où elle était rédactrice de mode, Cheng Gong habite encore avec sa tante dans l’appartement de son enfance. Leurs grands-pères étaient collègues, tous deux éminents professeurs de médecine, et c’est avec eux que tout a commencé, aux heures les plus sombres de la Révolution culturelle.

Dans un huis clos peuplé de souvenirs, de non-dits et de rêves d’enfance, Li Jiaqi et Cheng Gong se racontent leurs vies parallèles et avancent une à une les pièces manquantes du drame…

Avec Le Clou, Zhang Yueran explore comme en apnée la vie de ces générations heurtées, et elle en fait un roman unique, ultrasensible et très contemporain.