Le sang de nos ennemis

Gérard Lecas

Rivages

  • Conseillé par (Libraire)
    15 février 2023

    Quand on tourne la tête pour regarder derrière soi, ce qu'on voit ne correspond pas toujours à la petite phrase "c'était mieux avant" et ce roman tout juste paru chez Rivages nous le confirme.
    C'est en 1962 que Lecas nous fait repartir, dans cette bonne ville de Marseille qui outre un port, des bateaux, une Cannebière et quelques flics compte aussi des types qui n'ont qu'un but dans la vie : s'en mettre plein les poches par tous les moyens illégaux possibles. Et quand le maire de la ville, un certain Gaston Defferre, vous y aide, c'est encore mieux car plus rapide.
    Mais commençons par le début : deux cadavres de ressortissants algériens dont on a littéralement siphonné le sang vont être trouvés à quelques jours d'intervalle. L'enquête est confiée à deux inspecteurs qui n'ont rien en commun si ce n'est leur employeur. Le crime, peu commun et plutôt glauque, les porte vers la piste de l'OAS qui sévit encore à plein.
    Pendant que certains se font égorger, d'autres tentent de monter un business basé sur la transformation de cocaïne pure. Le marché américain est vaste et Marseille a des chimistes et des laboratoires à la pointe dans ce domaine : pourquoi hésiter ?
    Ajoutez à cela des membres du SAC, des militants du PCF, d'anciens résistants, un ex collabo et de vieilles haines, vous obtenez un cocktail explosif.
    Lecas ne ménage ni son lecteur ni ses personnages : l'assassinat des deux Algériens va révéler des ramifications souterraines qui vont être peu à peu mises à jour dans une trame complexe et une narration au cordeau.
    L'auteur appartient à la même famille que Pagan, Paulin, Leroy ou Manotti : en quelques pages, ils arrivent à recréer un lieu, une ambiance, un morceau de notre histoire commune, des personnages qu'on n'oubliera pas, tout cela avec un style qui est propre à chacun mais qui nous embarque à chaque fois. Et on en redemande...


  • Conseillé par
    29 mars 2023

    Excellent polar dans lequel Gérard Lecas décrit une ambiance lourde : tous les coups sont permis, les malfrats et les parrains locaux font feu de tout bois pour garder voire augmenter leur empire. La politique, la mairie notamment dirigée par l'ancien résistant Gaston Defferre, n'est pas exempte d'accointances avec le milieu. Plus les actions de l'OAS qui n'accepte pas l'indépendance de l'Algérie, le SAC qui s'immisce dans les différents combats pour discréditer certains, bref Marseille est un panier de crabes venimeux dans lequel le moindre geste est interprété comme une agression. C'est donc lourd, mais jamais le lecteur n'est perdu, car l'auteur explique les rôles des uns et des autres ; personne n'est épargné, ni les parrains de la pègre, ni les politiques mouillés jusqu'au cou voire davantage, ni les communistes encore assez forts mais qui ne supportent que l'un de leurs ne suivent pas la ligne du parti... Le contexte étant posé, il va falloir une intrigue forte pour qu'elle ne s'y noie pas.

    Et Gérard Lecas la trouve : le meurtre des deux Algériens, totalement vidés de leur sang et l'enquête menée par deux flics aux idées opposées. Molinari résistant décoré, membre du SAC qui doit rendre quelques services à des hauts placés en guise de remerciement et Anthureau, fils de résistants communistes, lui même adhérent du parti, orphelin de père depuis ses quatorze ans et sans nouvelle de sa mère depuis. C'est électrique entre les deux hommes et l'enquête poussera chacun des deux à s'interroger sur leur passé et leur avenir. Ils devront faire face à leurs démons, à leurs doutes, leurs craintes...

    Du polar, du bon, du qui tient la route, du consistant tant dans l'intrigue que dans le contexte, du qui ne déçoit pas bien au contraire !